MORAL

Holly ne panique jamais. Un drap a été mal repassé, une couverture a été perdue, des clients arrivent plus tôt que prévu ? Elle trouvera toujours une solution, une pirouette pour retourner la situation, éviter que les contretemps s’accumulent. La jeune femme a été habituée à vivre dans un contexte où il fallait savoir se contenter de ce qu'on avait, et savoir se débrouiller avec le peu d'objets en sa possession.  Holly a ainsi appris très tôt à savoir changer une ampoule, réparer un appareil avec une boite à outils, retenir les dates d'ouvertures des drugstores et autres magasins pour aller dénicher l'ampoule ou le vis manquant... Des données qu'on n'apprend pas durant sa scolarité, mais au sein de l'école de la vie. Dès son affection comme femme de chambre, Holly a appris à observer, écouter, répéter les gestes, apprendre. Puis, dès que les habitudes furent prises, elle sut s'adapter en ce milieu parfois hostile. Adopter le sourire de circonstance, savoir utiliser les bons termes auprès des clients parfois rencontrés malencontreusement, rentabiliser son temps en menant un maximum de tâches, connaître les moindres tours et détours de l'hôtel... Tout cela, et plus encore, fit partie du quotidien d'Holly.

Jamais vous ne la verrez le chignon dénoué, le tablier froissé. Elle se fait fort de mener un travail exemplaire. « Le pain que l'on mange doit être gagné à la sueur de son front » est son leitmotiv, la raison qui la pousse à se lever tous les matins. Holly méprise l'oisiveté, ne supporte pas de demeurer plus de quelques minutes sans rien faire. Il lui serait impensable d'aller se dorer la pilule au soleil, aux abords d'une piscine. Il y a tant de choses à faire, et si peu de temps. Holly est ainsi la première à se proposer pour aider une collègue, en remplacer une et, ainsi, accumuler les heures supplémentaires. Au grand plaisir de nombre de ses collègues qui peuvent ainsi profiter de davantage de temps libre.

Être Noir dans les années 60 est loin d'être une sinécure. Même si l'esclavage a été aboli depuis des années, le mépris demeure, le racisme est omniprésent, et l'esclavage a pris un autre visage. Holly sait qu'elle pourrait prétendre à une meilleure place mais elle n'ose pas. Elle manque d'ambition, persuadée que sa couleur de peau l'empêchera, à jamais, d'atteindre de plus hautes sphères. Elle le sait, et en a honte, mentant à ses parents sur son véritable travail, leur faisant croire qu'elle est réceptionniste dans un grand hôtel. Elle ne pourra jamais leur avouer qu'elle n'est qu'une domestique, changeant les draps des Blancs, nettoyant leurs saletés.

Élevée dans la foi catholique, Holly ne supporte aucune critique sur la religion – même celle qui n'est pas la sienne car elle pense que les différentes fois s'adressent à une même divinité. Elle n'est pas pratiquante mais foncièrement croyante, portant toujours sur elle une petite croix autour de son cou, cachée sous son uniforme.

Discrète dans son travail (car une femme de chambre œuvre dans l'ombre, telle une souris), Holly ne montrera qu'un visage plus épanoui lors de son temps libre. Lorsqu'elle a quitté son uniforme, elle se montre plus enjouée, plus prompte à rire aux éclats. Et pourtant, ces rires et sourires ne font que masquer le fait qu'elle se sente à part au sein de Las Vegas, ce qui la rend parfois un peu gauche, le port pas toujours sûr, le regard fuyant, s'assurant qu'elle n'attire pas trop les regards. Vegas est une ville de loisirs, de plaisir, où on se grise à coups de néons, de paillettes, d'alcool et de spectacles. Mais Vegas n'efface pas la noirceur de l'âme. Elle ne met pas les Noirs et les Blancs sur un pied d'égalité.