MORAL - Richie a des rêves très terre à terre. Elle rêve qu'on lui confie un vrai boulot. Elle rêve de lire autre chose que les questions de types désespérés qui matent leur voisine sans savoir comment l'aborder. Elle rêve d'écrire. Pour de vrai. Et pas un truc bidon pour que madame sache si elle doit préparer un pique-nique pour ce week-end ou prévoir une tupperware party. Mais pas question de se plaindre. Ils seraient capable de la virer. Elle en est persuadée. Alors à la place, elle écrit des nouvelles entre deux rédactions de chroniques, qui satisferont quand même ses lecteurs et la ménagère, qui se délecte des soucis intimes de « amoureux secret ». Dans ses nouvelles, elle réfléchit au meilleur moyen de se débarrasser de a) son boss, b) tous les éditeurs-en-chef chiants, c) ses collègues méprisants. Bien sûr, toute ressemblance avec une personne de son entourage est fortuite. De toute façon, ils ont tous des surnoms, et personne ne sait où ses feuillets sont rangés. Cette passion pour les enquêtes et le polar est assouvie par la lecture d'ouvrages en tout genre. À défaut de pouvoir aller à la morgue, elle se contente des bouquins d'anatomie et de dissection de la bibliothèque.

Sinon Richie est la fille sympa, le sourire aux lèvres, toujours prête à discuter, à vous écouter vomir vos malheurs parce que votre poisson rouge est mort, ou que votre mec vous a plaqué pour une fausse blonde à la dégaine de pin-up. Mais elle écoute avant tout, parce qu'elle espère trouver une information. Une piste. Une donnée intéressante. L'aliment de base d'un scoop qui lui permettra de troquer sa situation de gratte-papier contre celle de journaliste. Ou pour écrire un bouquin avec une révélation à chaque page. En attendant de faire trembler les grands de ce monde, elle se contente de surveiller le petit peuple. De trouver que les gens sont chiants.

Tellement chiants, qu'il lui arrive de se lancer dans des blagues douteuses. Envoyer une lettre de menace anonyme à un voisin trop bruyant : déjà fait. Et comme Sam Spade est pas son petit nom, il n'a pas deviné d'où ça venait. Les flics ne sont pas déplacés. S'il y avait eu un mort, des dégâts, ils auraient sans doute fait un effort. Des remords ? Sûrement pas. Des regrets ? Non plus. Pourquoi ce serait le cas quand elle a fait bien pire ?